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La Maison du Chant - la genèse

Courant années 70 (75 ?) répétition de théâtre, ambiance sur ressorts à quelques jours de la représentation… Exclue par moi-même de l’école, le théâtre est mon refuge, j’y reconstitue mon puzzle personnel, j’ouvre des portes, je découvre l’enfoui. Un déclic ! Ça n’est pas d’être sur scène qui me plait, ça me stresse d’ailleurs exagérément, le trac est dévorant et trop présent. Sur cette pièce, je comprends que ce qui m’attire, me nourrit, c’est tout ce qu'il se passe autour : le lieu, l’espace, la régie, les costumes, l’œuvre, les acteurs, les fauteuils, les lumières et le noir, le silence. Je me sens captée par toutes ces énergies, cette créativité foisonnante et l’évidence m’apparait : un jour j’aurai un théâtre, un lieu pour les artistes, un lieu vivant. J’ai 15 ans et la graine est semée.

 

Je continue le théâtre quelques années puis la vie se poursuit loin de la scène. Voyages, enfants, déménagements, jobs alimentaires… Je découvre la danse africaine, contemporaine, je retrouve cette atmosphère d’expression artistique et de bouillonnement, cet environnement exaltant.

 

Décembre 79, naissance de Jeremy mon 1er enfant. Son regard, les yeux dans les yeux dès son arrivée me bouleverse, m’impose une certaine exigence, une évidence de loyauté envers lui, envers moi. Indirectement mais grâce à lui je découvre le Siddha Yoga, une pratique orientale issue du shivahisme du Cachemire. Le canal de méditation , du lâcher prise est le chant. Des mantras, des ragas chantés des heures durant, parfois des jours et des nuits, sans relâche et surtout quotidiennement. C’est une découverte, une révélation et surtout une autorisation d’élever le chant, la voix.

 

« Tais toi tu chantes faux » le 1er refrain que j’ai entendu depuis toute petite chaque fois que je me laissais aller à cet instinct qui aurait pu me procurer tant de plaisir. Maman chanteuse, musicienne, choriste dans le chœur du grand Oratoire qui m’a bercée depuis ma naissance avec Bach, Pergolese, Handel .. une belle voix d’alto. Mais moi je « chante faux » enfin c’est ce que je comprends, alors je me tais. Avec le Siddha Yoga je chante, des jours, des mois, des années durant, en cachette bien sur mais je chante.

 

97/98 Ma fille Valentine est élève à l’école du Cours Julien, horaires aménagés musique. Cafés entre mamans, entre copines tous les matins. On parle, moments complices, intimes et sans complexes ; l’une d’entre nous est chanteuse, cheffe de chœur, Brigitte Cirla. Je lui dis que j’aimerais chanter mais que ma mère, toute ma vie … « tu chantes faux .. » « Je ne peux pas entendre ca, si tu en as envie viens chanter dans mon chœur » Très envie oui mais je ne peux pas, je chante faux… Rentrée septembre 98, je fais le pas et décide d’aller chanter. Quelques embuches bien sur, croche-pieds de tous genres mais j’y vais, ma copine m’a ouvert son c(h)œur, c’est irrésistible. Cette année-là ce sont des chants italiens de l’époque Renaissance qui sont travaillés et un peu de polyphonie géorgienne. Je me retrouve entre des chanteuses et chanteurs qui ne chantent pas les mêmes voix ; j’apprends qu’il y a les basses à ma gauche, les ténors à droite, plus loin les soprani, Brigitte me conseille les alti. Je suis fascinée, c’est beau, c’est poignant, les oreilles grandes ouvertes j’écoute, j’écoute pendant des séances et des séances sans émettre le moindre son. Cela ne me vient pas à l’idée de chanter avec les autres, j’écoute... Et puis sans que je ne m’en rende compte je me mets à chanter, doucement, tout doucement très bas, je laisse ma voix filer avec les autres et c’est un grand bonheur. Je comprends aussi quelque chose de fondamental pour moi, en polyphonie on chante avec ses oreilles. Je reviens tous les mardis, je n’en rate pas un, je connais vite tous les chants par c(h)œur, je les aime tous et je chante, je chante, doucement, jamais très fort.

Fin 2000, j’ai 45 ans, bilan de compétences. Marre des petits boulots, les envies cachées reviennent au galop, il faut trouver un moyen de les formuler et les réaliser. Je me présente très volontaire au cabinet de consultant, je veux faire tous les tests, tous les entretiens, explorer toutes les pistes. Je veux trouver ce qui est caché, je n’ai plus de temps à perdre. Mon accompagnatrice sidérée par ma détermination me propose tout ce qu’elle possède en matière de tests et questionnaires. Le résultat est toujours le même, l’art, la culture, le management, l’accompagnement, la communication. Cette révélation, alors que je n’avais pas 18 ans revient en force. Je voudrais créer un lieu pour l’art, les artistes. Je pense à ce moment à une maison ouverte à la danse, la musique, le théâtre…

 

Je cherche et trouve une formation de manager culturel qui m’apporte les connaissances, les outils me permettant de réaliser ce projet. L’IFCE propose une formation de manager culturel, pendant 9 mois, 35 heures par semaine, cours et apprentissage en entreprise, intense, fastidieuse ! Rentrée fin septembre 2001, me voici donc sur les bancs de l’école que j’ai quittée bien avant de passer le bac. Les autres étudiants ont l’âge de mes enfants mais je suis complètement enthousiaste. Ma phobie scolaire totalement oubliée, ma haine de la discipline dépassée, je suis très assidue et volontaire. C’est tout naturellement que je suis en apprentissage en entreprise avec ma cheffe de chœur Brigitte Cirla à Voix Polyphoniques à la Friche Belle de mai. Je dois tout apprendre y compris la discipline, l’humilité, la rigueur de l’étudiant. Politique culturelle, stratégie de développement du projet, comptabilité, gestion, production, ressources humaines…

Une révolution pour moi.

 

Peu de temps après le début de ma formation ma mère affronte un cancer. Sur son lit l’hôpital j’ose enfin lui avouer que je chante depuis une vingtaine d’années, que j’aime énormément ca et lui parle en détails de mon projet et de mon ambition à le mener à bien. « Oh je suis sûre que tu as une très belle voix et que tu vas y arriver » elle meurt quelques jours plus tard me laissant avec ce cadeau qui renforce ma détermination et mon énergie. C’est, plongée dans ses recueils de partitions, dans sa discothèque pour choisir les morceaux de musique pour son dernier voyage que s’imposent les grands airs chantés de la musique baroque. Je comprends alors que dans la musique c’est la voix qui me touche le plus et que c’est d’elle dont je veux parler, dont je souhaite m’entourer et que je mettrais en avant. C’est la voix, le chant qui m’accompagnent dans la réalisation de mon projet de création d’un lieu artistique. Ce sera un centre de la voix, une Maison du Chant.

Neuf longs mois pour écrire le projet, une bagarre quotidienne avec les vieux démons, une lutte ; une envie colossale de réussir, des aller-retours entre découragement et motivation. Michel mon mari, mes enfants subissant pourtant une maman, une compagne pas très disponible et encore moins reposante, sont d’un soutien inébranlable et précieux. Cette année d’étude est validée par l’écriture du mémoire sur le projet à réaliser. Un tuteur de mémoire m’encadre, je dois concevoir la construction de la future « Maison du Chant » en utilisant tous les outils acquis pendant les cours. Merci Alexia Belleville pour ta patience et la confiance que tu as gardée malgré tout. La confrontation souvent chaotique restait d’un haut niveau et sans ta tendre autorité je n’y serais jamais arrivée.

 

J’apprends, j’applique sur le terrain, je cherche, découvre, analyse. Je dois faire valider mon projet par le plus possible d’acteurs culturels : institutionnels, directeurs de structures, artistes, responsables de projets … je dois braver ma timidité et les accueils amusés et parfois condescendants de certains. Je suis charmée par la bienveillance de chanteuses et chanteurs : Françoise Atlan, Alain Aubin, Bruno Allary et bien d’autres par la suite. Le projet se dessine, les fondations de la future Maison du Chant se posent doucement mais sûrement et avec force et détermination. Les murs vont monter petit à petit, certains s’effondrent et laissent place à quelque chose de plus solide.

 

Juin 2002 je soutiens mon mémoire, « La Maison du Chant, centre de la Voix ». Sur la grande table familiale, le mémoire se finalise alors qu’Aurélien, mon fils cadet, dessine les modèles de sa première collection, l’ambiance est studieuse et plutôt créative. Malgré une soutenance, et la nuit qui la précède, tumultueuses, le mémoire est validé avec succès, la porte de la Maison du Chant s’ouvre. Il faudra presque une année pour poursuivre l’apprentissage et l’acquisition des nombreuses connaissances essentielles pour réaliser un projet culturel de cette ampleur. Je frappe à toutes les portes, comble les vides et au printemps 2003, je crée une association Les Voies du Chant et dépose les statuts en préfecture. Pas de murs encore, pas de bureau, pas de salles de travail. Je relève les manche, continue à fouiner partout et depuis chez moi commence à organiser les 1ers ateliers et la 1ere édition du Festival De Vives Voix.

 

Je pars à la découverte des chanteurs de Marseille et rencontrent l’Académie du Chant populaire, le Chœur de Malmousque, la. Chorale du Vieux -Port, les Vallonées et bien d’autres. C’est avec leurs chefs de chœur, Bernard Spadari, Alain Aubin, Déborah Bookbinder, Marie Prost que nous initions « Les Impromptus du kiosque » un concert le samedi matin, jour du marché aux fleurs dans le kiosque à Musique en haut de la Canebière. Cet évènement mensuel devient un rendez-vous incontournable, c’est le départ de notre aventure sur les Voies du Chant. Parmi ces chanteurs il y a Robert Nageli, passionné de voix, suffisamment et irraisonnablement entreprenant pour rendre possibles et réalisables ses rêves les plus fous. Avec lui nous organisons la 1ère « Nuit des Voix lactées » , Chants et contes dans les collines de Roques-hautes durant les plus belles et longues nuits du mois de juin. 2024, Robert fête les 20 ans de « La Nuit des Voix Lactées » !

 

C’est déjà avec Bruno Alary et la Compagnie Rassegna que je fais ces premiers pas Brigitte Cirla et Françoise Atlan sont très présentes, attentives et sévères, je ne dois pas trébucher. Armando Coxe arrive dans l’aventure avec l’idée de fonder ensemble cette Maison du Chant.

 

La première pierre c’est l’édition n°1, début 2004, le théâtre de la Sucrière dans le parc François Billoux comme écrin, magnifique ! Comprenant vite qu’il n’y aura aucune aide je songe à annuler et mettre de côté mes ambitions mais les artistes unanimes proposent de jouer gracieusement pour lancer le projet. C’est sous le regard bienveillant mais moqueur de Ben et Flo, les responsables culturels du secteur et avec une équipe plus que restreinte que l’aventure commence : Beatrice Goudard, Fred Camprasse, la famille, quelques amis proches, on relève les manches et les premières Vives Voix sonnent dans le Parc François Billoux. Bruno Allary et Cesare Mattina, Aydé avec Bernard Spadari et déjà Jean-Marc Guibert, Sta A Senté avec Jean-Matthieu Colombani, Maya Dziria et Mohand Boughalem, musiciens berbères, Marie-Dina et les Âmes lyriques, Guylaine Renaud, chanteuse troubadour, les slameurs Fredéric Nevchéhirlian et le Donze, Brigitte Cirla et les Indéchiffrables, Alain Aubin et l’Académie du chant populaire. Pour certains c’est la 1ere scène, pour tous c’est une aventure incroyable et qui pourtant a très bien fonctionné et ouvert les portes d’un avenir prometteur.

 

On s’est tous engagés et, cet été là, le voyage a commencé.

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